Bayard le Chevalier sans peur et sans reproche

Qui n’a pas entendu parler de cet héroïque
chevalier, qui un peu comme Jeanne d’Arc, est une des grandes figures
de notre histoire nationale. Mais combien d’entre nous connaissent
réellement la véritable histoire de ce héros national ? Alors pour
vous rafraichir la mémoire, voici la véritable histoire du Chevalier
Bayard.
Les Français venaient de perdre la bataille de Rebec
par la faute de Bonnivet, qui n’avait pas voulu suivre les plans
et les conseils de Bayard. Bonnivet était parti laissant au chevalier
Sans Peur et Sans Reproche le soin de sauver les restes de l’armée,
chose très difficile dans un pays occupé par des ennemis victorieux.
Bayard, avec son intrépidité ordinaire avait accepté cette pénible
et dangereuse mission. Assis sous une tente formée de branches d’arbres
au milieu de quelques chevaliers inaccessibles, comme lui, à la
crainte et de quelques vaillants capitaines qui avaient gagné leurs
grades à Fornoue, à Marignan, il discutait son plan de retraite.
« Qu’on apporte du vin, dit-il à ses hommes d’armes. Le vin est
parfois bon conseillé. » On but à la ronde, et lorsque chaque convive
eut vidé plusieurs fois sa coupe, le chevalier Bayard s’écria d’une
voix forte : - Amis chevaliers, voulez vous que je vous conte l’histoire
de ma vie ? - Oui, oui, dirent tous les capitaines et hommes d’armes.
- Probablement que je vais mourir bientôt, continua Bayard, car
c’est la première fois que je ressens le désir de vous dire ce que
j’ai fait. - Nous mourons tous pour vous défendre. - Par monseigneur
Saint Michel, s’écria le chevalier d’une voix tonnante, je vous
jure que je suis de taille à me défendre moi-même contre nos ennemis.
Ah ! Si ce damné connétable de Bourbon se trouvait devant ma lance
! Au nom du connétable, toutes les figurent se rembrunirent et toutes
les épées frémirent dans les fourreaux.Ecoutez donc, fit Bayard
: Je naquis en l’an de grâce 1476, au château de Terrail, dans la
vallée sauvage du Grésivaudan, à six lieux de Grenoble. Ma famille
comptait parmi les plus anciennes du pays. J’avais à peine huit
ans lorsque mon père m’envoya auprès de mon oncle, évêque de Grenoble
- Mon enfant, me dit le noble prélat, soit noble comme tes ancêtres,
comme ton trisaïeul qui fut tué à côté du roi Jean à la bataille
de Poitiers. -
A treize ans on m’envoya à la cour du duc de
Savoie, qui m’emmena quelque temps après à Lyon où je vis le Roi
Charles VIII; ce prince me prit en affection; je le suivis à Paris,
plus tard en Italie. Ah ! La belle campagne que nous fîmes, amis
chevaliers ! Partout des victoires ! Partout des arcs de triomphe.
Attaqués à Fornoue par des forces quatre fois supérieurs, nous nous
battîmes comme des lions et pour ma part, j’eu deux chevaux tués
sous moi ; J’avais dix huit ans, jugez du reste. - Charles VIII,
continua Bayard d’une voix émue, mourut, comme vous savez, dans
la fleur de l’âge.

Je suivis son successeur Louis XII par delà
les monts. Un jour, je me mis à la poursuite des ennemis avec tant
d’ardeur que j’entrais dans Milan avec les fuyards. - Le lion s’était
jeté dans la fosse, dit un chevalier. - Oui continua Bayard, mais
j’avais à faire à un ennemi généreux ; Ludovic force me renvoya
sans rançon ; c’était encore le beau temps de la chevalerie. - Et
Ravenne ! S’écrièrent les capitaines ! Ne me parlez pas de ce combat
si glorieux et si déplorable pour les armes française ! Pauvre Gaston
de Foix ! Il mourut en héros ! S’il avait voulu suivre mes conseils,
la France eût compté un grand capitaine de plus. Les yeux du chevalier,
à ce triste souvenir s’était voilés de larmes, et des soupirs s’échappaient
douloureusement de sa robuste poitrine.
- Parlez les nous de
votre aventure de Guiguenates, s’écria un vieux chevalier, je m’en
souviens,, et sur ma part de paradis, jamais on ne vit pareil fait
d’armes. - Mes amis, les Français fuyaient comme des moutons devant
l’ennemi. Furieux de leur désertion, j’allai me placer à la tête
d’un pont et pendant une demi-heure, je repoussai les ennemis qui
osaient s’aventurer jusqu’à moi. Enfin, en me voyant accablé par
le nombre, je me précipitai sur un homme d’arme, la lance au poing
: - Rends-toi, lui dis-je ou je te tue; l’homme fit mine de me remettre
son épée – non, m’écriai-je à mon tour, c’est moi qui suis votre
prisonnier.
Le soir, on parla de cette affaire au roi d’Angleterre
et à l’empereur Maximilien, qui déclarèrent que je pouvais me retirer
en toute liberté. - Je m’en souviens ! S’écria un vieux capitaine,
fûmes nous joyeux de revoir le chevalier Bayard. - Et Marignan !
dit un chevalier. - Marignan ! Bataille de géants ! S’écria Bayard…
La veille, j’eu l’honneur d’armer chevalier François Ier
notre sire, le plus grand roi de la chrétienté ; cette épée que
vous voyez tous me servit pour lui donner l’accolade. Oh ma chère
épée, tu seras bénie et glorifié plus que diamant et joyaux ! En
prononçant ces paroles il porta la lame d’acier à ses lèvres et
la baisa respectueusement.

- Ah ! Pourquoi faut-il s’écria le chevalier
d’une voix émue, que j’ai survécu à une si belle victoire…Si j’étais
mort à Marignan, je n’aurais pas vu le désastre de Rebec ! La gloire
nous délaisse et la chevalerie s’en va !
- Oui, la chevalerie
s’en va, et bientôt son dernier, son plus glorieux représentant
ne vivra plus, dit un moine, couvert de son capuchon gris. - Qui
es-tu ? dit Bayard. - Un ami répondit le moine. - Je ne te connais
pas. - Chevalier Bayard, continua le moine, en s’avançant au milieu
des hommes d’armes, te souviens-tu du jour où l’empereur Maximilien
proposa d’empoisonner le pape Jules II ? Ton âme généreuse s’indigna,
à la seule idée d’un semblable attentat, et Jules II fut sauvé.
- Et bien ! répondit Bayard. - Je suis venu pour payer une dette…
Mes études sur les hommes et sur les choses m’ont rendu un peu prophète
; je t’en conjure donc, chevalier Bayard, marche au milieu de ton
armée. - Ma place est à l’arrière garde. - Suis mon conseil, ou
tu seras tué. - Que la volonté de Dieu soit faite ! S’écria Bayard,
puisqu’on m’a donné le glorieux surnom de chevalier Sans Peur et
Sans Reproche, je ne dois pas reculer devant la mort. - Songe bien,
s’écria le moine, en sortant, que le plus vaillant gomme de guerre
de la chrétienté tombera sous une pierre lancée par une arquebuse
à croc. - Maudite soit ces armes de nouvelles inventions ! dit Bayard.
Avec ces engins diaboliques, un lâche peu tuer un intrépide chevalier.
Le lendemain, l’armée française commença son mouvement de retraite
et Bayard voulut rester à l’arrière garde, au poste du danger et
de l’honneur. Vers dix heures du matin, une pierre lancée par une
arquebuse le frappa aux flancs et lui brisa l’épine dorsale. - Jésus,
mon Dieu, s’écria-t-il en tombant, je suis un homme mort. - La consternation
fut la plus profonde dans toute l’armée et chacun se disputait l’honneur
de mourir avec lui. - Laissez moi, dit le chevalier, contribuez
au salut de l’armée…Laissez moi, je suis un homme mort. Ensuite,
il dit à son écuyer de l’asseoir contre un arbre, le visage du côté
de l’ennemi. - Il ne sera pas dit, s’écria-t-il d’une voix forte,
que Bayard a tourné le dos aux Espagnols, Aux Autrichiens, Aux Italiens
et autres ennemis de la France. Puis, il demanda un prêtre, un clerc;
et comme il ne s’en trouvait pas dans l’armée, il se confessa à
son écuyer. Quelques instants après, le marquis de Pescaire, général
espagnol et le connétable de Bourbon, traître à la France arrivèrent
près de Bayard : - Ah Chevalier Bayard, s’écria le connétable, que
je suis marri de vous voir en si piteux état.
